Vague Hallyu : comment la pop culture coréenne a séduit le monde

Vague Hallyu : comment la pop culture coréenne a séduit le monde

Depuis la fin des années 90, la Corée du Sud développe son rayonnement culturel. La vague coréenne, “Hallyu”, ne cesse de s’étendre et connaît depuis une décennie un renouveau en Europe. Mais comment la pop culture coréenne, avec sa Kpop, ses Kdramas, sa Kbeauty ou encore sa Kfood, est-elle parvenue jusqu’à nous ?  


Si vous avez l’impression que la vague coréenne a déferlé en France avec le succès de la série Squid Game sur Netflix ou de groupes de Kpop comme BTS et Blackpink, en réalité il s’agit plutôt d’un nouveau cycle qui ne doit rien au hasard. Le terme de “vague coréenne” - “Hallyu” (한류) en coréen - est entendu pour la première fois en Chine en 1998, alors que la jeunesse s’est prise de passion pour les séries coréennes. L’exportation a débuté en 1991 avec l’exportation du premier Kdrama, “What is love”. La série explore sur un ton comique le contraste entre deux familles coréennes, l’une traditionnelle et l’autre plus moderne. Cette première vague coréenne déferle sur le continent asiatique. Au Japon, des groupes comme H.O.T et des séries comme Winter Sonata connaissent un succès considérable. 


Naissance du soft power coréen dans les années 90 

Alors qu’internet en est à ses balbutiements, et que la mondialisation et le libéralisme s’imposent partout, le gouvernement sud-coréen investit dans le soft power, c’est-à-dire le pouvoir de séduire de façon douce et d’influencer les relations internationales en sa faveur. L’un des leviers du soft power est de miser sur la culture pour propager une image positive, ce que les États-Unis font depuis les années 40/50 avec l’industrie hollywoodienne. Le gouvernement coréen veut capitaliser sur ses produits culturels et devenir "l’un des cinq premiers pays de l’industrie culturelle". 


Pour cela, il incite fortement les “chaebols” (une trentaine de conglomérat d'entreprises sud-coréennes, détenus par de grandes dynasties familiales) à investir dans le secteur culturel. La culture coréenne séduit ainsi l’Asie, en promouvant des valeurs moins individualistes et plus traditionnelles que la culture occidentale, mais aussi l’Europe ces deux dernières décennies, et en particulier des pays comme la France, fascinée par la culture et le mode de vie des coréens et coréennes. 


La culture, une industrie comme une autre 


La pop culture coréenne avance avec une volonté d’industrialisation décomplexée. Business is business. La KOCCA, le CNC (Centre national de la cinématographie) coréen, parle d’ailleurs de “creative content” (“contenu créatif”). La vision de la culture à la coréenne est donc très différente de la vision française, où il s’agit de préserver la fameuse “exception culturelle française”, centrée sur l’idée que la culture n’est pas un bien marchand comme un autre. 


Pour autant, il ne faudrait pas réduire la pop culture coréenne à une culture de seconde zone. Son spectre est très large et cible un public très divers. La Corée du Sud a ses chef-d’œuvres, comme le film Parasite de Bong Joon-ho, récompensé d’une Palme d’Or et Oscar du meilleur film en 2019. Une série est d’ailleurs en cours de développement. La Corée du Sud est friande du concept d’OSMU (“one source multiple use”, “une source, usages multiples”) qui lui permet d’industrialiser la culture à grande échelle. Un webtoon à succès, comme Hellbound, peut ainsi devenir un roman, une série et un film. Il s’agit de capitaliser sur une très bonne histoire. Les stars de la Kpop sont aussi sollicitées par de grandes marques, au même titre que les stars hollywoodiennes. En 2021, les sept membres de BTS sont devenus égéries de Louis Vuitton tandis que Jisoo de Blackpink était recrutée par Dior, puis Cartier. Les marques de luxe se les arrachent. 


Les valeurs de la pop culture coréenne : travail et collectif 


Avec son système de “trainee” (des apprentis) et sa fabrication d'”idols”, la Kpop est parfois accusée d’uniformiser l’industrie musicale. Pour autant, la musique coréenne n’a jamais été aussi populaire et reste le produit culturel le plus bankable pour la Corée du Sud. En 2021, Hybe, la maison de disque de BTS, a dépassé le milliard de d’euros de chiffre d'affaires. Elle challenge les majors américaines ! La Kpop et son système d’apprentissage intensif sur plusieurs années pour les futures “idols”, met aussi l’accent sur l’importance du collectif - encore une fois en opposition en Occident à la figure du génie créatif et torturé encore prévalente de nos jours - et l’importance de travailler son art pour se perfectionner. 


Les valeurs promues par les groupes de Kpop ont conquis les fans du monde entier. Extrêmement enthousiastes, les fandom sont considérés comme des membres actifs du succès d’un groupe, pas seulement comme des consommateurs. Les groupes de Kpop prennent soin de leur répondre, de tchater sur les forums, d’organiser toutes sortes d’événements, en live ou via les réseaux sociaux. La Kpop ne prend pas ses fans de haut et les “idols” se montrent les plus accessibles possibles. La pop culture coréenne a très bien compris l’importance des réseaux sociaux et du monde numérique. 


La revanche post-coloniale 

En coréen, le terme “han” désigne un sentiment profond d’oppression et de douleur enracinée. Le soft power coréen peut être vu comme une forme de revanche pour un pays qui a subi les occupations japonaise, chinoise et américaine. Faire rayonner ses spécificités dans le monde entier et parvenir ainsi à reprendre le contrôle de son récit national n’est pas une mince affaire pour un pays post-colonial, coincé entre les deux grandes puissances que sont la Chine et le Japon. 



La Corée ne constitue pas une menace aux yeux de ces géants économiques. Elle peut ainsi faire la promotion de sa riche culture (au-delà des films, séries et musique, on découvre aussi sa cuisine, ses cosmétiques beauté, ses paysages…) à l’autre bout de la planète et jusqu’en France, où les cours pour apprendre la langue coréenne affichent complet au centre culturel coréen de Paris. De plus en plus accros à la pop culture coréenne, les Français·es ont été près de 93 000 à venir découvrir le pays en 2023. Le pays bénéficie d’excellentes retombées touristiques. En dix ans, la pop culture coréenne a multiplié par 7 le nombre de fans déclarés dans le monde, passant de 9,3 millions en 2012 à 157 millions en 2021 ! Selon un sondage effectué en 2022, si on vous dit “Corée du Sud”, vos trois premières réponses sont : “Kpop, Kfood et Kdrama”. La vague coréenne n’est pas prête de se retirer.

Marion Olité

Retour au blog